Cette expérience contredit l’idée reçue que le chemin le plus rapide pour aller d’un point à un autre est forcément la ligne droite qui joint ces deux points. Deux billes identiques partent d’un même point A pour arriver au même point B, mais en suivant deux trajectoires d’inégale longueur. Sauriez-vous prévoir quelle est celle qui arrivera la première ?
Fiche d’accompagnement de l’expérience:
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le profil supérieur d’une baguette électrique, (longueur : 2 m ; largeur : environ 15 mm, disponible dans une grande surface de bricolage) ou bien tuyau transparent (diamètre intérieur : environ 15 mm)
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2 billes identiques (diamètre : 5 à10 mm)
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du ruban adhésif résistant
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facultatif : 2 morceaux de craie
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facultatif : une planche (dimensions : environ 30 cm ´ 100 cm)
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facultatif : clous et marteau
Couper dans le couvercle de la baguette électrique deux morceaux de longueurs respectives 93 cm et 100 cm qui serviront de pistes pour les billes.
Les disposer parallèlement et de telle sorte que la face creuse du profil en U soit orientée vers le haut. Coller côte à côte les extrémités des deux baguettes au moyen du ruban adhésif.
Courber la baguette la plus longue puis coller de la même façon les deux autres extrémités (voir la figure). L’intérieur du U de la plus longue des baguettes doit être dirigé vers l’intérieur de la concavité (voir figure). Maintenir le dispositif de telle sorte que l’inclinaison par rapport à l’horizontale de la trajectoire rectiligne soit d’environ 30°.
Lâcher simultanément les billes sur les trajectoires à partir de la position de départ (figure) : c’est la bille située sur la trajectoire courbe qui arrive la première.
Pour identifier plus facilement laquelle des deux billes atteint en premier l’arrivée, on peut placer des morceaux de craie à l’arrivée de chacune des trajectoires et observer lequel est renversé en premier.
Peu importe si les deux billes ne sont pas de la même taille et si elles sont de matériaux de densités différentes à condition que le matériau soit homogène. On peut le montrer en recommençant l’expérience après avoir permuté les deux billes.
Comme alternative à la baguette électrique on peut utiliser des tuyaux de plastique transparent dont une extrémité a été clouée à une planche verticale pour réaliser un profil rectiligne et un profil courbe.
Le traitement quantitatif du mouvement d’un point matériel sur des trajectoires de courbures variées et la réponse analytique à la question du profil de trajectoire dont le temps de parcours est le plus court (brachistochrone) font appel à des méthodes mathématiques relativement difficiles qui relèvent du calcul des variations. Ce problème est traité dans pratiquement tous les livres de mécanique théorique.
Développons maintenant un exemple, compréhensible par un étudiant ou un élève, et à partir duquel on peut montrer qu’il existe au moins une trajectoire sur laquelle la durée du trajet est plus courte que sur la trajectoire rectiligne. On considérera un point matériel glissant sans frottement. Pour une bille qui roule parfaitement, on obtient des résultats identiques.
Soit une première trajectoire rectiligne entre les points et (voir figure).
La deuxième trajectoire présente un tronçon rectiligne de
à
et un autre tronçon rectiligne entre ce dernier point et le point d’arrivée (voir figure).
Si l’on prend
(c’est-à-dire , voir figure ), alors les segments ont pour longueurs s1, s2 et s3 (voir figure) :
,
,
Calculons le temps t1 mis par le point matériel pour parcourir la trajectoire rectiligne (distance s1), en prenant la vitesse initiale nulle au point (0, z0) :
(g : valeur de l’accélération de la pesanteur).
Calculons de la même façon la durée du parcours (également avec une vitesse initiale nulle) :
car
Au point
,
lors de son passage sur le deuxième tronçon (distance s3), le point matériel possède une vitesse de valeur :
On en déduit alors le temps t3 de parcours de la distance s3 :
avec
d’où
La durée totale de parcours des distances s2 et s3 est :
On vérifie qu’elle est bien inférieure à la durée t1.
La question de la trajectoire du mouvement le plus rapide entre deux points donnés (problème du brachistochrone) a été posée en 1696 par Jean Bernoulli (1667-1748) à son frère Jacques Bernoulli (1654-1705) et à ses collègues, parmi lesquels se trouvait Isaac Newton (1643-1727).
Pour le plus grand dépit de Jean Bernoulli, c’est justement son frère Jacques, avec lequel il ne s’entendait pas, qui a présenté la solution la plus élégante comparant la trajectoire avec le trajet optique dans un milieu d’indice de réfraction variable.
Jacques appliquait le principe de Fermat (temps de parcours le plus court) et les lois bien connues de la chute des corps en exploitant les propriétés d’une cycloïde (la solution du problème).
La résolution de ce problème fut à l’origine du développement d’un nouveau domaine des mathématiques : le calcul des variations.